la médiathèque Lucie Aubrac

Ce qui suit est la présentation d’ateliers d’écriture proposés à la médiathèque Lucie Aubrac de Ganges, pour une période de six mois, de février 2006 à septembre 2006, par l’association loi 1901 LES ATELIERS DU RILGE / LANGAGES-TERRITOIRES.


La durée de ces ateliers est fixée à trois heures par semaine, chaque jeudi de 19h à 22h ; le nombre de participants est pour l’instant limité à douze.


L’animateur, Stéphane LAPEYRE, diplômé du DUAAE (Diplôme Universitaire Animation d’Ateliers d’Ecriture, UPV Montpellier III, 2000), est agréé par la DRAC Languedoc-Roussillon.

A partir du thème des futures rencontres des littératures écrite et dessinée, qui auront lieu (pour la deuxième année) à la médiathèque en octobre 2006, « vers d’autres civilisations possibles », il est possible, dans un premier temps (celui des ateliers proprement dit), d’offrir un panorama de quelques questions littéraires importantes (voir : Problématique), d’envisager leur approfondissement par la découverte de textes choisis et de proposer l’expérience d’écriture aux participants de l’atelier à travers des consignes spécifiquement élaborées.


Dans un second temps, l’édition de recueils contenant les textes produits par les participants, selon un rythme hebdomadaire, permettra à tous de conserver une trace physique des événements vécus, de consolider la mise en confiance des écrivants face à leur propre écriture, dans la diversité et le cheminement personnel qu’ils s’autorisent.


Un tiers temps, enfin, verra la récapitulation de tous les travaux d’écriture effectués, sous la forme d’un recueil « semestriel » global, dans lequel on trouvera la totalité des productions. Outre l’épanouissement personnel lié à la possibilité de faire circuler ces textes, il sera envisagé avec les participants des lectures choisies de leurs productions, notamment dans le cadre des rencontres des littératures écrite et dessinée.

Problématique :

 
L’objectif des ateliers consiste à approfondir avec le même groupe de participants, au gré des séquences, des questions formelles liées aux littératures et à la pratique de l’écriture.


Ce qui est intitulé ici séquence correspond à une séance d’atelier d’écriture hebdomadaire ; une proposition d’écriture, par contre, est thématique : elle peut englober (ou s’étaler sur) plusieurs séquences, à travers une série de consignes (deux à trois par séquence), de façon à parcourir une question littéraire transversalement, dans ses variantes, ses oppositions, ses fractures et ses éventuels prolongements.


Chaque séquence reçoit un titre, qui désigne par ailleurs le recueil hebdomadaire qui s’ensuit ; les propositions d’écriture rythmées s’enchaînent et s’imbriquent, tout en restant assez larges et fragmentées ; ainsi les participants qui n’assisteraient pas à tous les ateliers pourront néanmoins développer sereinement leur pratique d’écriture (ils ne seront en aucun cas hors-jeu ni stigmatisés), et il sera possible d’intégrer l’atelier au cours du cycle.


Un cheminement est d’ores et déjà élaboré, qui pourra être modifié au fur et à mesure ; au départ, son cadre sera celui, rigide et orienté, commun à tous, du carnet de voyage(s). Un voyage immobile, intérieur, au cœur duquel l’atelier sert de véhicule ; les paysages sont purement mémoriels ou étrangement imaginaires, l’horizon est textuel. Il s’agirait de débuter doucement l’atelier en approchant le récit conventionnel (et la narration) dans sa diversité ; puis, une fois les participants en confiance, d’arpenter les univers poétiques et les langages personnels d’auteurs classiques, contemporains ou même des marges ; pour enfin mener chaque participant à élaborer, dans le plaisir de la langue, ses propres systèmes.
L’effet de « civilisation » n’est pas tant orienté vers la littérature de genre (civilisation disparue du type Atlantide ou de fantasy, voire de S-F), mais bien plutôt vers ce qu’on pourrait nommer des civilisations « potentielles » (supposées, superposables au réel), peut-être aussi intimes et / ou immédiates, unipersonnelles, avec ce caractère unique qu’on peut trouver dans le réalisme magique de Borges, la langue chahutée de Novarina ou inventoriée de Perec.

Voici la liste des propositions d’écriture :

  • Lecture des ruines / archéologies : travail sur le récit, sur le « je », sur les traces de civilisations disparues (l’Atlantide de Pierre Benoît) et / ou à (re)créer ; jeu sur la chronologie du récit ;
  • Mystères – yeux – masques : se protéger dans l’écriture ; les différentes couches ou épaisseurs de textes (palimpsestes) ; Janus et la dualité ; le théâtre et sa mise en scène (travaux sur les didascalies) ;
  • Parcheminées : réflexion sur la traduction (trahison) et ses limites ; traduire un temps, un concept qui n’existe pas dans sa langue = adapter ? inventer ? limites de la langue consensuelle et ouvertures vers l’infinitude de la poésie ; l’effet du temps sur les textes de civilisations effacées ; sur les mains qui les ont écrits / bâties
  • Histoire(s) : l’histoire est toujours écrite par les vainqueurs ; qu’en disent les textes apocryphes ? dans quelles langues ? s’essayer aux divergences d’opinion avec Voltaire ;
  • Culinaires : recettes d’Outremonde ; une langue du ventre ? l’appétit sous toutes ses formes (cette bouche qui parle et mange) ;
  • Tissus : aux origines du texte, le textile ; modes imaginaires et coutumes, de Mircea Eliade à Roland Barthes ;
  • Opiacées : la poétique mystique ; des littératures contre la Culture ? W. Burroughs et la Beat Generation ; civilisations éphémères et toutes personnelles ;
  • Traverses / Collages : proposition de textes en collaboration, à quatre mains ou plus, entre les participants ;
  • Paysages urbains : I. Calvino et J.-L. Nancy peuvent servir à une réflexion sur la ville en tant qu’entité ;
  • Artefacts : expériences sur un artisanat supposé, parallèle à nos savoirs ; écrire autrement ? expériences typographiques ;
  • Ombres errantes : P. Quignard et les étranges royaumes littéraires ; travaux sur la texture de la lumière ; le silence et la respiration comme moteurs d’une description ;
  • Les mots et leurs choses : la question des noms ; les éponymes ; nous qui donnons les noms (V. Novarina, M. Foucault) ;
  • Arborescences : la métaphore des racines / rhizomes dans l’acte d’écriture (G. Deleuze) ;
  • Hasards : petit parcours d’opinions sur l’origine des textes à venir (Mallarmé, Apollinaire, Rimbaud, peut-être Blanchot) ;
  • Miroirs : regarder l’envers des choses ; travaux sur le double ; le visage d’une civilisation invers(é)e ?

Méthode :

 
Trois piliers fondamentaux soutiennent, en amont, le travail d’élaboration des consignes d’écriture :

  • la notion d’images mentales, propres à stimuler l’imagination par le biais du souvenir rétinien, de la « mémoire visuelle » en général, avec tout ce qui a trait aux déformations qu’autorisent la rêverie, les associations d’idées et la représentation personnelle du réel ;
  • celle, plus complexe, d’état de vertige, propre à la posture de l’écrivant qui, dans la solitude du temps d’écriture, se décentre de son environnement pour un voyage intérieur, au cours duquel l’écoulement du temps et les perceptions sensorielles sont décalés ; il s’agit principalement d’une réflexion sur les différents états de concentration, et sur les méthodes pour en retirer le plus d’enthousiasme, d’idées et de confort dans le temps d’écriture ;
  • enfin, la notion de « sonorisation mentale », la plus subtile à diffuser (en la vulgarisant) dans le cadre d’un atelier d’écriture, qui pose la question de la voix muette que chacun perçoit dans le temps de la concentration : la pensée, certes, mais en temps que matériau même de la narration. Tout repose sur la décision de savoir, ou de ne pas savoir, toujours volontairement, qui parle, à qui appartient la voix qui énonce / annonce le texte.


L’usage immodéré d’usuels, riches en surprises, communs (dictionnaire analogique, des mythologies) ou originaux (dictionnaire des mots rares et précieux, de la médecine, des champignons ou d’astronomie ; de l’ésotérisme, culinaire, etc.) fait partie de l’atelier : manipuler des livres ressources pour stimuler l’imagination, redonner confiance, faire sourire souvent, saisir l’incongru parfois, et l’infinie diversité du réel toujours. Il s’agit aussi et surtout de faire en sorte que chaque participant accède à une forme particulière d’habitude : celle de ne jamais rester bloqué (dans le précieux temps d’écriture, ou même de réflexion d’avant l’écriture) par manque de ressources, par défaut de connaissances ou à cause du sentiment d’illégitimité de ses idées. Une autonomie idéale qui permettrait à chacun d’avancer un peu plus sereinement dans les sentiers ambigus (le jardin aux sentiers qui bifurquent, disait Borges) de l’écriture.


Voici le visuel de présentation des ateliers, affiché à Ganges et dans les environs immédiats.